Le renouveau de la puissance diplomatique française ?

L’actualité d’une éventuelle guerre contre l’Irak déchaîne de plus en plus les passions. Les journaux clâment partout le renouveau diplomatique de la France grâce à l’action menée par le président Jacques Chirac, notamment au moyen-orient. Les Etats-Unis semblent avoir trouver dans la France un adversaire de taille contre l’accomplissement de leurs desseins au sein du monde arabe, non pas que la France soit tout d’un coup redevenue puissante mais qu’elle a su focaliser et fédérer autour d’elle les visions et opinions de la grande majorité des pays du monde. La France s’oppose à un recours automatique à la force contre l’Irak considérant qu’il faille adopter deux résolutions différentes pour justifier une intervention militaire...

 

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La population de la France représente environ 1 % de la population mondiale. Mais sa présence et son rôle sont ceux d'une grande puissance. La France est :
- l'un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unies (avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine et la Russie) ;
- l'un des membres du G8, c'est-à-dire l'un des huit grands pays industriels du monde ;
- l'un des membres prédominants de l'Union européenne ;
- l'une des puissances nucléaires du monde.

La disparition de l'Union soviétique en 1991 a changé les données de la stratégie française. L'idée d'une défense européenne réapparaît. La loi de programmation militaire pour la période 1995-2000 a pour objectif de moderniser l'armée française. Elle prévoit à la fois le maintien des forces tratégiques nucléaires et celui des forces conventionnelles d'intervention rapide (aviation, marine et infanterie). Depuis les années 1970, ces dernières intervenaient dans le cadre d'accords d'Etat à Etat, dans les anciennes colonies. Actuellement, elles sont amenées de plus en plus à intervenir dans le cadre des responsabilités nationales, comme en Yougoslavie ou au Rwanda.

Plus encore que par sa puissance militaire et diplomatique, c'est par la diffusion et l'usage de sa langue que la France rayonne dans le monde. Plus d'une quarantaine d'Etats sont concernés par un tel usage, cette situation étant le fruit de l'histoire, qu'il s'agisse de la colonisation (Afrique Noire et Afrique du Nord, péninsule indochinoise), d'un passé commun (Canada) ou de liens culturels particulièrement forts (par exemple, avec la Roumanie).

La francophonie se double d'une diffusion de la culture française, qui dépasse largement la seule aire linguistique francophone. Là encore, le poids de l'histoire reste fort, la littérature française ayant toujours connu un large écho dans le monde. De grands auteurs français sont devenus universels (ainsi Victor Hugo ou Voltaire), de grands intellectuels ont connu une audience internationale (Jean-Paul Sartre, Albert Camus), des lieux sont devenus quasi mythiques parce que des peintres ou des écrivains y vécurent (la butte Montmartre, Montparnasse, Saint-Germain des Prés, à Paris).

Mais cette exportation de la culture et ce prestige de la langue se sont heurtés, au XX° s., à la concurrence de la langue anglaise. Dès la première moitié du siècle déjà, une telle place s'expliquait par l'importance de l'Empire colonial britannique et par la puissance montante des Etats-Unis. Bien plus, depuis la Seconde Guerre mondiale, les médias anglo-saxons ont affirmé leur suprématie dans le domaine de l'audiovisuel. Ce phénomène venant s'ajouter au poids de l'économie et de la technologie américaines, et à l'usage par le Japon de l'anglais dans ses activités commerciales, fait de plus en plus de l'anglais la langue des affaires et de la science.

Dans les domaines culturels comme le cinéma et la télévision, l'anglais est également devenu prédominant. A tel point que, dans les négociations sur le commerce international, on voit apparaître une demande européenne pour quer soit préservée "l'exception culturelle" : c'est-à-dire que les productions relevant de la culture ne soient pas régies par les seules règles du marché. Une telle notion a entraîné de vifs débats en France en 1994, dont l'ampleur même révèle que l'expression culturelle est considérée comme une part de l'identité française.

Paris et Washington s’accordent sur un point : Saddam Hussein constitue un grave danger pour la démocratie et la paix dans le monde.

Paris et Washington sont en désaccord sur la façon de traiter le problème « Saddam » et sur les conséquences qu’engendrerait le « traitement adopté » selon un diplomate en poste à l’ONU.

L’usage de la guerre préventive ne saurait être exclusivement réservé à l’Amérique sans l’être aussi conséquemment autorisé aux autres puissances. Et c’est de là que provient le fondement du désaccord franco-américain sur la question irakienne. Jacques Chirac insista même sur la problématique en citant des exemples qui ne sont pas pris au hasard : « que ferons-nous si la Chine usait de la même stratégie (de guerre préventive) contre Taiwan, ou si l’Inde attaquait de la sorte le Pakistan et inversement ? ».

L’Amérique, dans ses négociations actuelles, mettrait en lumière l’inconscience française face au danger, référence à peine voilée au « pacifisme utopique » des dirigeants français aux accords de Munich en 1938. Bush aurait donc pour rôle de donner au monde la marche à suivre et surtout d’apporter la maturité nécessaire aux diplomaties pour combattre les vraies menaces ou celles qu’il aura lui-même définies.

La France, pour certains analystes , aurait une diplomatie complexe de compromis qui peut laisser croire à une certaine inconscience quant aux dangers qu’elle encourre elle aussi en « aidant » l’Irak contre « l’agressivité un peu rapide de l’allié américain ». . La France serait donc aveuglée par une politique pro-arabe dont les seuls fruits seraient une éphèmère « grandeur diplomatique » La France est donc à la fois prudente et sage comme elle est inconsciente : sage quant aux vélléités de l’allié, inconsciente quant aux mensonges de soi-disants « amis ».

La frappe préventive ne peut constituer un mode de règlement raisonnable des conflits. La différence fondamentale réside dans le fait qu’une telle stratégie pourrait permettre aux Etats-Unis de conserver un continuel avantage technologique, militaire et économique d’ampleur mondiale là où la France n’aurait plus aucun rôle crédible à jouer. Accepter purement et simplement la stratégie américaine serait ainsi un suicide de la diplomatie française. La question qui demeure est celle-ci : en quoi la France a-t-elle plus intérêt à défendre l’Irak alors qu’il est clair que ceci ne lui évitera pas d’être une des cibles privilégiées de l’islamisme ? La France n’a-t-elle pas plus intérêt à aider l’allié américain que de « soutenir » un dictateur ?

La France chercherait la « grandeur » et s’attache au peu qui lui reste pour s’affirmer sur la scène internationale. Certains responsables du Foreign Office affirment que ce sont les derniers souffles d’une puissance mondiale depuis 1870. Mais le jeu n’est pas si simple.

La diplomatie française pourrait avoir adopter un jeu bien plus subtil que l’analyse qu’en font les britanniques. Et il est vrai qu’au vu des propos récemment tenus par Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense des Etats-Unis, déclarant que « la France est et demeure l’allié de toujours », on peut se demander si la diplomatie française ne consiste pas en un actif double-jeu qui aurait pris de cours les américains. S’entendre avec les arabes pour calmer les menaces qui pèsent à l’intérieur même de la France tout en négociant dans une « ambiance féroce mais feutrée » avec le « partenaire » américain. La France présente donc des idées d’un retentissement international qui la pose en défenseur des « opprimés de l’Amérique » tout en n’agissant aucunement dans les faits contre l’action américaine. N’y-a-t-il pas un intérêt plus conséquent à voir pour les américains leur plus vieil allié prendre les initiatives que de voir les russes ou les chinois forcer le pas ?

La France veut se faire l’écho d’une nouvelle voie diplomatique. Elle pourra ainsi déclarer au monde « qu’elle fit tout ce qu’elle put en son pouvoir et qu’elle demeure le seul rempart contre l’hyperpuissance américaine ».

En conclusion, on peut dire que la France redevient ,certainement,une puissance diplomatique de premier rang au détriment de la Russie et de la Chine par sa prise de position forte dans la crise irakienne. L’Occident en général en sort donc renforcé, les « amitiées arabes de la France » permettent aux démocraties d’éviter le « clash ou le choc ». Cette diplomatie française est encore renforcée par l'alliance avec l'Allemagne. Toutefois, l'affaire irakienne n'est pas terminée à ce jour. Et un retournement de position ( brutale ) de la diplomatie française pourrait être synonyme de sa fin. La porte de sortie reste trés mince et on pourrait voir prochainement au Conseil de sécurité un choix de la diplomatie française qu'elle trainera en héritage trés longtemps quelque soit la décision...

Demesmaeker Tony