L'opposition française au réseau Echelon

 

.Un arsenal unique dans le monde avec les Etats-Unis

.Les limites de cet arsenal

 

"Nous n'avons rien à envier des américains. Nous avons notre équivalent d'Echelon en France, notamment au sein d'une station d'écoute de la région parisienne, avec moteurs d'analyse sémantique pour trier l'information."

Voilà en substance ce qu'affirmait un officier de la DST à quelques journalistes au début de l'année 1998. Soit juste après le premier rapport du Parlement européen dénonçant Echelon. Que la France se soit doté de tels capacités n'est pas une surprise.
"C'est le jeu de la guerre secrète, à nous de faire comme eux et d'être aussi performants" indiquait un espion français au journal Le Point en 1998 .
C'est d'ailleurs cet hebdomadaire français qui a mis à jour ce réseau de surveillance électronique, surnommé Frenchelon par les anglo-saxons. Les révélations ont été confirmées à l'époque par le directeur de cabinet du ministre de la Défense

Il a été construit au fil des ans par deux entités du ministère de la Défense: d'une part la DGSE, les services secrets au sens large, et d'autre part la Direction du renseignement militaire (DRM).

Une première liste détaillée des bases françaises de ce réseau d'écoute a été publiée par Le Monde . Ces bases sont présentées comme rattachées à la DGSE et à sa " direction technique ". On retrouve ces moyens d'interception,satellitaires ou autres à :

Alluets-Feucherolles (Yvelines), Agde (Hérault), Domme (Dordogne), Mutzig (Bas-Rhin) et Solenzara (Corse-du-Sud), à Saint-Barthélemy (dans les Antilles), à la Réunion, à Djibouti et à Mayotte (Océan Indien). On peut ajouter à cette liste :

le plateau d'Albion (Alpes de Haute-Provence), une commune des Pyrénées Orientales (Saint-Laurent de la Salanque), la caserne Filley à Nice. Par ailleurs, un accord avec les Emirats Arabes Unis a permis d'installer des stations d'écoute dans cette région du golfe.

Une autre base évoquée par l'auteur de l'enquête du Point, Jean Guisnel nomme celle "secrètement installée sur la base spatiale de Kourou [avec l'aide des services allemands], spécialement mises à profit pour surveiller les communications satellitaires américaines et sud-américaines." Toutefois, on peut noter que Kourou est aussi cité comme base "associée" au réseau Echelon.

De manière générale, la France profite de ses Dom-Tom et d'anciennes colonies pour élargir ses capacités d'écoute au niveau global : Nouvelle Calédonie pour le Pacifique et l'Asie, Emirats, Djibouti et Réunion pour l'Afrique et le Proche Orient, Antilles et Kourou pour le continent américain.

En plus de ces bases au sol, on peut reconstituer le reste de l'arsenal d'écoute française :

_ Au niveau spatial : le satellites Helios-1A et 1B, issus du programme d'observation spatiale Helios, placé sous l'égide de la DRM. Officiellement : l'engin Helios-1A (lancé en août 95) prend des images haute-définition en vue de la prévention des conflits. Mais Le Point révèle en juin 1998 qu'un "passager clandestin", une "cartouche d'interception baptisée Euracom" a pris place à ses côtés. Le but du jeu inavoué est d'intercepter les signaux Inmarsat et Intelsat. Helios-1B, lancé en décembre 1999, disposerait des mêmes capacités. Lors du lancement d'Helios 1A, un engin expérimental d'interception ("Cerise") a été mis sur orbite.
_ Au niveau de l'ai : les mêmes sources citent aussi des stations d'écoutes emportées par "les avions de renseignement électroniques Gabriel et Sarigue".
_ Au niveau de la mer : la marine disposait, jusqu'en mai 1999, du Berry qui est remplacé depuis 2001 par le " navire de recherches électromagnétiques le Bougainville ".

 

Si Frenchelon semble efficace pour écouter les signaux radioélectriques ou satellitaires, la supériorité d'Echelon reposerait sur sa capacité à intercepter le trafic internet et téléphonique. Les quelque 120 satellites d'Echelon révélés par Duncan Campbell peuvent capter les relais hertziens du téléphone public européen. Et les 10 principaux point d'échange de l'internet passent par les Etats-Unis, relais quasi-obligatoires pour les échanges intra-européens.

En revanche, on imagine mal les services français incapables d'intercepter le trafic IP transitant par les points d'échange de l'Hexagone. Le principal, le "GIX", est contrôlé par l'Etat via Renater.

Censés servir à collecter des informations à des fins de Défense, pour prévenir les conflits, lutter contre le terrorisme et la prolifération des armes nucléaires, ces réseaux d'écoutes - quels qu'ils soient - sont fortement soupçonnés d'espionnage économique. La notion d'"alliés" s'estompe : l'espionnage entre amis est devenu un sport international qui vise à garder ou conquerir des parts de marché.

Enfin, le citoyen est-il visé? Un seul détail : les écoutes pratiquées par la DGSE ne relèvent pas de la CNCIS, la commission chargé d'examiner les écoutes du gouvernement. Ensuite, la protection des données personnelles est au centre d'un bras de fer entre l'Europe et les Etats-Unis, et ces derniers pourrait retourner l'argument des Européens contre eux-mêmes.

Demesmaeker Tony