Autonomie ou indépendance pour la Corse ?

 

.Les statuts de la Corse de 1982 à 2002

.Le projet du Gouvernement

.La question de l'autonomie

 

La spécificité de la Corse dans la République s'est traduite par plusieurs statuts successifs (1982, 1991, 2002) : collectivité territoriale, et non région, ses compétences propres se sont progressivement élargies, posant la question des délégations de pouvoir possibles sans révision constitutionnelle. Le nouveau statut, dont l'élaboration fut complexe, s'inspire de la réflexion menée dans le droit de l'outre mer (statuts des TOM), sans pouvoir aller aussi loin pour ce qui est des délégations législatives.

Le statut de 1982
Les réformes liées à la loi du 2 mars 1982 portent création d'une Assemblée de Corse, forme locale du conseil régional, élue immédiatement au suffrage universel proportionnel, dans une circonscription unique (les élections des premiers conseils généraux auront lieu en 1986 pour toute le France).La Corse réintègre le 10 juillet 1985 le droit commun électoral (abandon de la proportionnelle), atténuant la spécificité de son statut. Le pouvoir de proposition que lui reconnaît la loi, concernant son organisation, fonctionne difficilement.

Le statut " Joxe " de 1991
L'organisation nouvelle qu'il crée, la Collectivité Territoriale de Corse (CTC), qui comporte une Assemblée territoriale, conserve un caractère administratif. La collégialité de son exécutif rappelle la loi du 6 septembre 1984 sur la Polynésie. Le Conseil constitutionnel admet qu'il n'est pas contraire à la Constitution (art. 74) de créer un type de collectivité territoriale qui soit un modèle unique.
La Corse est donc à mi-chemin entre régions métropolitaines et régions d'outre-mer : exemplaire unique et non " région " particulière, pour laquelle le statut général serait spécifiquement aménagé. Les départements étant partie intégrante du paysage juridique, les institutions de la CTC se juxtaposent à ceux-ci.

Le processus de Matignon (2000-2002)
Les rencontres entre le Gouvernement et les élus de l'Assemblée de Corse ont permis d'élaborer un nouveau statut pour l'île, qui garantisse son développement et le respect de ses spécificités (insularité, culture), tout en rendant possible la fin des violences contestataires qui agitent la Corse depuis vingt-cinq ans. La révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 a cependant rendu impossible qu'un nouveau statut de la Corse relève du droit de l'outre-mer en tant que tel (le statut de la Nouvelle-Calédonie fait l'objet d'un titre à part dans la Constitution).

Pourtant le nouveau statut s'inspire bien de l'évolution des TOM : organisation institutionnelle propre et garantie de l'identité et de la culture ont été les axes importants d'une réflexion déjà entamée par la loi d'orientation sur l'outre-mer du 13 décembre 2000. La délégation législative était cependant la pierre d'achoppement du processus : elle était envisagée par le biais d'un montage juridique (à partir de la décision 93 322 DC du Conseil constitutionnel, du 28 juillet 1993, sur l'expérimentation dans les établissements publics), mais n'a pas été maintenue dans le texte final.

 

Les nouveautés institutionnelles liées au nouveau statut tiennent en quelques points clés :

Organisation administrative : à des fins d'efficacité de gestion et de clarification des responsabilités, les élus corses ont souhaité la mise en place d'une collectivité mono-départementale, à l'horizon 2004, date de l'expiration du mandat de l'actuelle Assemblée. Les départements supprimés renaissent sous la forme de "conseils territoriaux" et leur circonscription administrative subsiste. Et, puisqu'il ne faut léser personne, tous les élus verront leur place maintenue, ce qui portera la nouvelle assemblée à plus de 80 représentants, pour 250 000 habitants... !

Seule vraie nouveauté de cette " simplification ", le pouvoir sera désormais concentré au niveau de la collectivité unique, seule personnalité morale, qui votera un budget unique, lèvera l'impôt et regroupera tous les fonctionnaires locaux, tandis que les nouveaux " conseils territoriaux ", hiérarchiquement inférieurs, n'auront qu'un pouvoir délégué d'exécution.

Décentralisation de nouvelles compétences : dans un souci de dégager des " blocs de compétences ", cette décentralisation concerne essentiellement l'aménagement de l'espace, la protection du patrimoine et le développement économique, en donnant compétence aux élus sur des domaines associés.
Adaptation des règlements : le nouveau statut propose au Parlement de reconnaître aux délibérations de l'Assemblée une valeur réglementaire. Le Conseil d'Etat a dressé une liste limitative des champs où ce pouvoir s'exercerait. La loi comporte donc une clause de respect de l'article 21 de la Constitution, qui confie le pouvoir réglementaire au Premier ministre, et la CTC peut désormais " demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île ".
Une disposition analogue concernant le domaine législatif, envisagée dans le projet, n'a donc pas été maintenue. L'Assemblée de Corse, consultée, donne un avis " sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse ".

Statut fiscal : il s'agit de sortir essentiellement du régime de fiscalité dérogatoire établi en 1801 avec les " arrêtés Miot ", qui supprimaient la sanction pour défaut de déclaration des droits de succession. Un calendrier progressif palliera la difficulté de la réforme.

Langue corse : la disposition du projet portant sur l'enseignement de la langue corse (dans les horaires normaux des écoles maternelles et primaires) a concentré un certain nombre de critiques. La rédaction retenue pour la loi rappelle le caractère facultatif de cet enseignement.

La possibilité pour la Corse de déroger à des dispositions législatives, moyennant une révision constitutionnelle en 2004, après une période d'expérimentation à l'issue de laquelle le Parlement sera chargé d'évaluer le fonctionnement du dispositif, est un enjeu à terme. Le processus corse, même s'il s'est inspiré des apports liés à l'évolution des statuts des TOM, ne va pas jusqu'à reconnaître à la Corse un statut tel que celui de la Polynésie dont les actes de l'Assemblée dans le domaine de la loi prennent valeur réglementaire, et sont soumises au juge administratif ; ni a fortiori ne lui donne la possibilité de délibérer en matière législative, comme dans le cas des " lois du pays " reconnues pour la Nouvelle-Calédonie.

 

Autonomie ou indépendance ? Les deux mots semblent synonyme. L'autonomie signifie la possibilité de décider. L'indépendance signifie l'attitude d'une personne qui refuse les contraintes, les régles établies. C'est le symbole de la souveraineté.

M. Sarkozy se tient à dire que la Corse n'a rien à craindre de la suppression des deux départements au bénéfice d'une collectivité unique. Il s'est employé à répondre aux inquiétudes. " Ici, nous sommes tous des Français, des républicains […] la question de l'indépendance, pourquoi en parler ? Elle ne se pose pas. " Le maire (PRG) de Bastia, Emile Zuccarelli, et le sénateur (PRG) de Corse-du-Sud, Nicolas Alfonsie ont annoncé que"si le "oui" l'emporte l'opinion hexagonale pensera que ce sont les nationalistes qui ont gagné.""

La République est une et indivisible." Si l'intégrité de la République est contestée, il est sans doute nécessaire de la refonder. Mais qui conteste l'intégrité de la République à part les mouvements séparatistes ? On peut voir dans cet approche l'interet de ce référendum.

Pourtant, autant l'indépendance est une notion claire, autant l'autonomie est un concept très relatif. On pourrait facilement démontrer que chaque région, chaque commune, chaque département dispose de l'autonomie, celle que la loi lui confère aujourd'hui. On nous parle beaucoup d'autonomie de la Corse mais nullement d'indépendance. Pourtant ce que veut Corsica Nazione, c'est l'indépendance et quoi qu'en pensent les Corses eux-mêmes. L'obtention d'une autonomie peut être un " tremplin " pour l'indépendance.


Le problème corse n'est pas un problème qui ne concerne que l'île de beauté mais pose la question du degré de la décentralisation en France. On s'aperçoit que de nombreuses actions sociales des régions conduisent à des inégalités de traitement entre les Français de différentes régions. Dernier exemple en date, c'était la prestation pour l'autonomie (celle des personnes âgées) qui existait généralement dans les régions mais d'un montant très variable. Le gouvernement vient de légiférer pour fixer une prestation homogène et réévaluée pour toute les régions.

Si la diplomatie, la défense et la monnaie seront gérées par l'Europe et que les régions auront une autonomie à la corse… que restera-t-il à l'État? On pourrait voir à partir de l'exemple corse, une multiplication de référendum de délégations législatives. Le 6 juillet peut marquer une remise en cause profonde du pacte républicain.

Demesmaeker Tony