Les pratiques politiques françaises
Depuis l'affaire Méry,
la France est secouée par un scandale financier qui a entraîné
dans son tourbillon le président de la République, Jacques
Chirac et tous les partis politiques. Le quotidien Le Monde avait publié
en 2001 le texte intégral d'un enregistrement vidéo de
plusieurs heures. Le promoteur immobilier Jean-Claude Méry y
détaille les pratiques financières illégales de
l'ancien parti gaulliste, le RPR. Méry qui est décédé
il y a trois ans avait été durant les années 1980
le financier du RPR à Paris. Les méthodes
de financement occulte qu'il décrit avaient déjà
été révélées lors de scandales et
de procès antérieurs: des entreprises bénéficiant
de commandes payées sur les budgets des municipalités
et qui se chiffrent par milliards, versent en contrepartie des "commissions"
qui viennent renflouer les caisses précisément des partis
qui les dirigent. On en faisait profiter l'opposition pour s'assurer
de son silence. Selon les dires de Méry, il avait été possible au RPR, grâce à ses activités, de relever sensiblement en quelques années le montant des "dons" - en passant de quelques centaines de milliers de francs à 40 millions par an. En vue de pouvoir soutirer les "commissions" allant aux partis, les contrats firent l'objet de surfacturations allant jusqu'à 40 % de leur montant réel; des économies furent également faites en ce qui concerne les matériaux de construction. L'état de nombreux
bâtiments publics en témoigne: les portes-incendie se disloquant,
le crépi tombant des murs et les escaliers se désintégrant. Ce que le récit de Méry a de nouveau et d'explosif c'est qu'il cite des noms, des chiffres et des dates et, pour la première fois, nomme le chef de l'Etat en personne comme le personnage clé au centre d'un système de financement occulte des partis. Jacques Chirac était, à l'époque où Méry jouait le rôle de collecteur de fonds, à la fois à la tête de la mairie de Paris et premier ministre. Dans une séquence,
Méry décrit comment il sortit de sa serviette cinq millions
de francs pour les déposer sur la table à l'Hôtel
Matignon, la résidence du gouvernement. Chirac, lui faisant face,
l'aurait complimenté pour son talent de collecteur de dons. Deux jours à
peine après la publication de l'interview par Le Monde, paraissait
un article dans le magazine L'Express impliquant également le
Parti socialiste. L'Express révélait que l'original de
la cassette comportant le témoignage de Méry se trouvait
depuis deux ans en possession de Dominique Strauss-Kahn. Strauss-Kahn,
un proche de Lionel Jospin, avait été ministre des finances
avant d'avoir dû démissionner en novembre dernier pour
avoir encaissé de la part de la Mnef (Mutuelle nationale des
étudiants de France) des honoraires pour des prestations fictives. Strauss-Kahn avait
reçu la cassette vidéo de l'avocat fiscaliste Alain Belot,
un ancien collaborateur et qui compte Méry ainsi que le journaliste
qui réalisa l'enregistrement de la cassette parmi ses clients.
De plus, l'avocat Belot représente le couturier Karl Lagerfeld
dont la dette fiscale envers l'Etat français avait été
réduite de 200 à 45 millions de francs, peu de temps après
la remise de la cassette vidéo. L'avocat affirme à présent
avoir remis la cassette vidéo au ministre des finances en contrepartie
d'une réduction fiscale en faveur de son mandant. Strauss-Kahn conteste cela, tout en reconnaissant avoir reçu la cassette. Il affirme toutefois, ne pas en connaître le contenu, ne l'ayant jamais visionnée faute d'avoir disposé d'un appareil de lecture adéquat et l'ayant égarée entre-temps, si bien qu'elle reste introuvable à ce jour - une excuse qui, au vu de la nature politique explosive de ce document, ne paraît pas très crédible. Des conjectures et des rumeurs se succèdent depuis à savoir si Jospin avait eu connaissance de la cassette, pourquoi cette dernière avait-elle été gardée secrète si longtemps et comment et pourquoi avait-elle finalement atterri dans la rédaction du Monde. La répulsion
qu'éprouve une grande partie de la population à l'encontre
de l'ensemble du système politique était également
devenu évident trois jours après la publication du témoignage
de Méry, et a continué jusqu'à nos jours. Elle
s'est traduite à l'occasion du référendum pour
la réduction de la durée du mandat présidentiel
de sept à cinq ans, les élections présidentielles
et législatives 2002. D'une part, les socialistes,
les communistes et les syndicats ont perdu leur influence de masse.
Les attaques systématiques du niveau de vie et des acquis sociaux
de la classe ouvrière qui, au cours de ces deux dernières
décennies, eurent lieu sous leur direction, ont décimé
le nombre de leurs adhérents et de leurs électeurs. A
l'encontre des années 1970 et 1980, ils ne sont plus guère
en mesure de contrôler les conflits sociaux. Comme lors du mouvement
de grève de 1995 ou lors des protestations contre la réforme
des retraites, ces conflits prennent des formes explosives. A ceci s'ajoute le fait que l'enchevêtrement de dépendances, de relations et de corruption qui avait marqué l'ère mitterrandienne, se révèle être un désavantage sérieux face à l'économie mondiale. Les frais occasionnés par les pots-de-vin et les "commissions" entravent les bénéfices des actionnaires; le copinage et le favoritisme effrayent les investisseurs internationaux. L'association des intérêts
des politiciens avec ceux de l'industrie met de plus en question le
fonctionnement des institutions politiques et de l'Etat français
en général. Un Etat fonctionnant selon le principe du
"donnant-donnant" ne dispose pas de l'autorité suffisante
pour imposer des "restrictions douloureuses" à l'encontre
de la population. Depuis une quinzaine
d'années, le monde juridique et politique s'affronte violemment
sur ces questions. Des brebis galeuses isolées sont traînées
devant les tribunaux et condamnées alors qu'au contraire des
juges sont intimidés dans le but de limiter les dégâts.
Le scandale Méry a éclaté à un moment où
la confiance dans le système politique a atteint son niveau le
plus bas. Les partis politiques en place sont considérés
par de vastes couches de la population comme les représentants
d'une minorité cupide ne représentant que leurs propres
intérêts et ceux de leurs financiers et qui sont tout à
fait indifférents à tout ce qui à trait à
la société en général. L'on peut donc dire
que le scandale Méry n'était qu'un signe avant-coureur
des crises politiques suivantes. L'aboutissement que connaîtront
ces crises - soit elles conduiront à un plus grand déclin
social et politique, soit elles trouveront une solution dans l'intérêt
de la population. Pourtant, tout prête à penser que l'attente de politique est grande. Les exigences sociales de la rentrée, qui ne se taisent pas pour autant, sont dépositaires d'un caractère politique indéniable. Baisse des impôts, retraites, sécurité sociales... Ces revendications sont une expression forte de cette attente. Après la nouvelle
implications d'Alain Juppé dans des affaires de corruptions,
quel est l'avenir du monde politique français. Divorce avec le
peuple ou passage difficile ? Les prochaines échéances
électorales ( cantoanles et régionales ) seront un bon
moyen de mesurer l'évolution de l'indifférence des français
face à la politique
Demesmaeker Tony |
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