La Constitution de 1958
Le Gouvernement de la République,
conformément à la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, a proposé,
Le peuple français a adopté,
Le Président de la République promulgue la loi constitutionnelle
dont la teneur suit :
Préambule
Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits
de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils
ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée
et complétée par le préambule de la Constitution de 1946.
En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples,
la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté
d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal
commun de liberté, d'égalité et de fraternité et
conçues en vue de leur évolution démocratique.
Article 1 . -
La France est une République indivisible, laïque, démocratique
et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens
sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les
croyances. "Son organisation est décentralisée. "
Titre I De la souveraineté
Article 2. -
"La langue de la République est le français." .
L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L'hymne national est La Marseillaise.
La devise de la République est "Liberté, Égalité,
Fraternité".
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Article 3. -
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants
et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues
par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la
loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de
leurs droits civils et politiques.
"La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et fonctions électives."
Article 4. -
Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage.
Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter
les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
"Ils contribuent à la mise en uvre du principe énoncé
au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées
par la loi."
Titre II Le Président de la
République
Article 5. -
Le Président de la République veille au respect de la Constitution.
Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs
publics ainsi que la continuité de l'État.
Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité
du territoire "et du respect des traités."
Article 6 . -
Le Président de la République est élu pour cinq ans au
suffrage universel direct.
Les modalités d'application du présent article sont fixées
par une loi organique.
Article 7 . -
Le Président de la République est élu à la majorité
absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas obtenue au premier
tour de scrutin, il est procédé, le "quatorzième jour
suivant" , à un second tour. Seuls peuvent s'y présenter
les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de
candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre
de suffrages au premier tour.
Le scrutin est ouvert sur convocation du Gouvernement.
L'élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et
trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du président
en exercice.
En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque
cause que ce soit, ou d'empêchement constaté par le Conseil constitutionnel
saisi par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de
ses membres, les fonctions du Président de la République, à
l'exception de celles prévues aux articles 11 et 12 ci-dessous, sont
provisoirement exercées par le président du Sénat et, si
celui-ci est à son tour empêché d'exercer ces fonctions,
par le Gouvernement.
En cas de vacance ou lorsque l'empêchement est déclaré définitif
par le Conseil constitutionnel, le scrutin pour l'élection du nouveau
Président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil
constitutionnel, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après
l'ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif
de l'empêchement.
"Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt
des présentations de candidatures, une des personnes ayant, moins de
trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision
d'être candidate décède ou se trouve empêchée,
le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l'élection.
"Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se
trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce le report de
l'élection.
"En cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux
candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels,
le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé
de nouveau à l'ensemble des opérations électorales ; il
en est de même en cas de décès ou d'empêchement de
l'un des deux candidats restés en présence en vue du second tour.
"Dans tous les cas, le Conseil constitutionnel est saisi dans les conditions
fixées au deuxième alinéa de l'article 61 ci-dessous ou
dans celles déterminées pour la présentation d'un candidat
par la loi organique prévue à l'article 6 ci-dessus.
"Le Conseil constitutionnel peut proroger les délais prévus
aux troisième et cinquième alinéas sans que le scrutin
puisse avoir lieu plus de trente-cinq jours après la date de la décision
du Conseil constitutionnel. Si l'application des dispositions du présent
alinéa a eu pour effet de reporter l'élection à une date
postérieure à l'expiration des pouvoirs du Président en
exercice, celui-ci demeure en fonction jusqu'à la proclamation de son
successeur."
Il ne peut être fait application ni des articles 49 et 50 ni de l'article
89 de la Constitution durant la vacance de la Présidence de la République
ou durant la période qui s'écoule entre la déclaration
du caractère définitif de l'empêchement du Président
de la République et l'élection de son successeur.
Article 8. -
Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met
fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission
du Gouvernement.
Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement
et met fin à leurs fonctions.
Article 9. -
Le Président de la République préside le conseil des ministres.
Article 10. -
Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze
jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement
adoptée.
Il peut, avant l'expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle
délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle
délibération ne peut être refusée.
Article 11 . -
Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement
pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées,
publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum
tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des
réformes relatives à la politique économique ou sociale
de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser
la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la
Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement,
celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est
suivie d'un débat.
Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet de
loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze
jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.
Article 12. -
Le Président de la République peut, après consultation
du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer
la dissolution de l'Assemblée nationale.
Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et
quarante jours au plus après la dissolution.
L'Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième
jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors
"de la période prévue pour la session ordinaire" , une
session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution
dans l'année qui suit ces élections.
Article 13. -
Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets
délibérés en conseil des ministres.
Il nomme aux emplois civils et militaires de l'État.
Les conseillers d'État, le grand chancelier de la Légion d'honneur,
les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres
à la Cour des comptes, les préfets, "les représentants
de l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article
74 et en Nouvelle-Calédonie" , les officiers généraux,
les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales
sont nommés en conseil des ministres.
Une loi organique détermine les autres emplois auxquels il est pourvu
en conseil des ministres ainsi que les conditions dans lesquelles le pouvoir
de nomination du Président de la République peut être par
lui délégué pour être exercé en son nom.
Article 14. -
Le Président de la République accrédite les ambassadeurs
et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères
; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont
accrédités auprès de lui.
Article 15. -
Le Président de la République est le chef des armées. Il
préside les conseils et les comités supérieurs de la défense
nationale.
Article 16. -
Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la
nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de
ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave
et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics
constitutionnels est interrompu, le Président de la République
prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation
officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées
ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer
aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les
moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté
à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice
des pouvoirs exceptionnels.
Article 17. -
Le Président de la République a le droit de faire grâce.
Article 18. -
Le Président de la République communique avec les deux assemblées
du Parlement par des messages qu'il fait lire et qui ne donnent lieu à
aucun débat.
Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet
effet.
Article 19. -
Les actes du Président de la République autres que ceux prévus
aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 sont contresignés
par le Premier ministre et, le cas échéant, par les ministres
responsables.
Titre III Le Gouvernement
Article 20. -
Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation.
Il dispose de l'administration et de la force armée.
Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures
prévues aux articles 49 et 50.
Article 21. -
Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la
défense nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous réserve
des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire
et nomme aux emplois civils et militaires.
Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Il supplée, le cas échéant, le Président de la République
dans la présidence des conseils et comités prévus à
l'article 15.
Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence
d'un conseil des ministres en vertu d'une délégation expresse
et pour un ordre du jour déterminé.
Article 22. -
Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant,
par les ministres chargés de leur exécution.
Article 23. -
Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de
tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle
à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité
professionnelle.
Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement
des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois.
Le remplacement des membres du Parlement a lieu conformément aux dispositions
de l'article 25.
Titre IV Le Parlement
Article 24. -
Le Parlement comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.
Les députés à l'Assemblée nationale sont élus
au suffrage direct.
Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation
des collectivités territoriales de la République. Les Français
établis hors de France sont représentés au Sénat.
Article 25. -
Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée,
le nombre de ses membres, leur indemnité , les conditions d'éligibilité,
le régime des inéligibilités et des incompatibilités.
Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont élues
les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège,
le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu'au renouvellement
général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils
appartenaient.
Article 26. -
Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté,
détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis
par lui dans l'exercice de ses fonctions.
"Aucun membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle
ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou
restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du bureau de l'assemblée
dont il fait partie. Cette autorisation n'est pas requise en cas de crime ou
délit flagrant ou de condamnation définitive.
"La détention, les mesures privatives ou restrictives de liberté
ou la poursuite d'un membre du Parlement sont suspendues pour la durée
de la session si l'assemblée dont il fait partie le requiert.
"L'assemblée intéressée est réunie de plein
droit pour des séances supplémentaires pour permettre, le cas
échéant, l'application de l'alinéa ci-dessus."
Article 27. -
Tout mandat impératif est nul.
Le droit de vote des membres du Parlement est personnel.
La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation
de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus
d'un mandat.
Article 28 . -
Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence
le premier jour ouvrable d'octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de
juin.
Le nombre de jours de séance que chaque assemblée peut tenir au
cours de la session ordinaire ne peut excéder cent vingt. Les semaines
de séance sont fixées par chaque assemblée.
Le Premier ministre, après consultation du président de l'assemblée
concernée, ou la majorité des membres de chaque assemblée
peut décider la tenue de jours supplémentaires de séance.
Les jours et les horaires des séances sont déterminés par
le règlement de chaque assemblée.
Article 29. -
Le Parlement est réuni en session extraordinaire à la demande
du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l'Assemblée
nationale, sur un ordre du jour déterminé.
Lorsque la session extraordinaire est tenue à la demande des membres
de l'Assemblée nationale, le décret de clôture intervient
dès que le Parlement a épuisé l'ordre du jour pour lequel
il a été convoqué et au plus tard douze jours à
compter de sa réunion.
Le Premier ministre peut seul demander une nouvelle session avant l'expiration
du mois qui suit le décret de clôture.
Article 30. -
Hors les cas dans lesquels le Parlement se réunit de plein droit, les
sessions extraordinaires sont ouvertes et closes par décret du Président
de la République.
Article 31. -
Les membres du Gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils
sont entendus quand ils le demandent.
Ils peuvent se faire assister par des commissaires du Gouvernement.
Article 32. -
Le président de l'Assemblée nationale est élu pour la durée
de la législature. Le Président du Sénat est élu
après chaque renouvellement partiel.
Article 33. -
Les séances des deux assemblées sont publiques. Le compte rendu
intégral des débats est publié au Journal officiel.
Chaque assemblée peut siéger en comité secret à
la demande du Premier ministre ou d'un dixième de ses membres.
Titre V Des rapports entre le Gouvernement et le Parlement
Article 34. -
La loi est votée par le Parlement.
La loi fixe les règles concernant :
o les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens
pour l'exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées
par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens
;
o la nationalité, l'état et la capacité des personnes,
les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités
;
o la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui
leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la
création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats
;
o l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions
de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
o le régime électoral des assemblées parlementaires et
des assemblées locales ;
o la création de catégories d'établissements publics ;
o les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et
militaires de l'État ;
o les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété
d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
o de l'organisation générale de la défense nationale ;
o de la libre administration des collectivités "territoriales"
, de leurs compétences et de leurs ressources ;
o de l'enseignement ;
o du régime de la propriété, des droits réels et
des obligations civiles et commerciales ;
o du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État
dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
"Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent
les conditions générales de son équilibre financier et,
compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de
dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues
par une loi organique ."
Des lois de programmes déterminent les objectifs de l'action économique
et sociale de l'État.
Les dispositions du présent article pourront être précisées
et complétées par une loi organique.
Article 35. -
La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.
Article 36. -
L'état de siège est décrété en Conseil des
ministres.
Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée
que par le Parlement.
Article 37. -
Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère
réglementaire.
Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent
être modifiés par décrets pris après avis du Conseil
d'État. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée
en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés
par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré
qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa
précédent.
Article 37-1. -
La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée
limités, des dispositions à caractère expérimental.
Article 38. -
Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au
Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai
limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil
d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent
caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé
devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du
présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées
que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
Article 39. -
L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres
du Parlement.
Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres
après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau
de l'une des deux assemblées. "Les projets de loi de finances et
de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier
lieu à l'Assemblée nationale." "Sans préjudice
du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal
objet l'organisation des collectivités territoriales et les projets de
loi relatifs aux instances représentatives des Français établis
hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat."
Article 40. -
Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement
ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence
soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation
d'une charge publique.
Article 41. -
S'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une
proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire
à une délégation accordée en vertu de l'article
38, le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité.
En cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l'assemblée
intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de
l'un ou de l'autre, statue dans un délai de huit jours.
Article 42. -
La discussion des projets de loi porte, devant la première assemblée
saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement.
Une assemblée saisie d'un texte voté par l'autre assemblée
délibère sur le texte qui lui est transmis.
Article 43. -
Les projets et propositions de loi sont, à la demande du Gouvernement
ou de l'assemblée qui en est saisie, envoyés pour examen à
des commissions spécialement désignées à cet effet.
Les projets et propositions pour lesquels une telle demande n'a pas été
faite sont envoyés à l'une des commissions permanentes dont le
nombre est limité à six dans chaque assemblée.
Article 44. -
Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement.
Après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à
l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement
soumis à la commission.
Si le Gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un
seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements
proposés ou acceptés par le Gouvernement.
Article 45. -
Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les
deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique.
Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un
projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après
deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré
l'urgence, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier
ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant
en discussion.
Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis
par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement
n'est recevable sauf accord du Gouvernement.
Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun
ou si ce texte n'est pas adopté dans les conditions prévues à
l'alinéa précédent, le Gouvernement peut, après
une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat,
demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement.
En ce cas, l'Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré
par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié
le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés
par le Sénat.
Article 46. -
Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois
organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes.
Le projet ou la proposition n'est soumis à la délibération
et au vote de la première assemblée saisie qu'à l'expiration
d'un délai de quinze jours après son dépôt.
La procédure de l'article 45 est applicable. Toutefois, faute d'accord
entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté
par l'Assemblée nationale en dernière lecture qu'à la majorité
absolue de ses membres.
Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées
dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu'après
la déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité
à la Constitution.
Article 47. -
Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues
par une loi organique .
Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première
lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt
d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un
délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les
conditions prévues à l'article 45.
Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix
jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.
Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a
pas été déposée en temps utile pour être promulguée
avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence au
Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret
les crédits se rapportant aux services votés.
Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque
le Parlement n'est pas en session.
La Cour des Comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle
de l'exécution des lois de finances.
Article 47-1 . -
Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité
sociale dans les conditions prévues par une loi organique .
Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première
lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt
d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un
délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les
conditions prévues à l'article 45.
Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante
jours, les dispositions du projet peuvent être mises en oeuvre par ordonnance.
Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque
le Parlement n'est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours
des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance,
conformément au deuxième alinéa de l'article 28.
La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle
de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Article 48. -
"Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas
de l'article 28," l'ordre du jour des assemblées comporte, par priorité
et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets
de loi déposés par le Gouvernement et des propositions de loi
acceptées par lui.
Une séance par semaine "au moins" est réservée
par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses
du Gouvernement.
"Une séance par mois est réservée par priorité
à l'ordre du jour fixée par chaque assemblée."
Article 49. -
Le Premier ministre, après délibération du conseil des
ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité
du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration
de politique générale.
L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement
par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si
elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée
nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après
son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à
la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité
des membres composant l'Assemblée. "Sauf dans le cas prévu
à l'alinéa ci-dessous, un député ne peut être
signataire de plus de trois motions de censure au cours d'une même session
ordinaire et de plus d'une au cours d'une même session extraordinaire."
Le Premier ministre peut, après délibération du conseil
des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée
nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré
comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans
les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues
à l'alinéa précédent.
Le Premier ministre a la faculté de demander au Sénat l'approbation
d'une déclaration de politique générale.
Article 50. -
Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle
désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale
du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la
République la démission du Gouvernement.
Article 51 . -
La clôture de la session ordinaire ou des sessions extraordinaires est
de droit retardée pour permettre, le cas échéant, l'application
de l'article 49. A cette même fin, des séances supplémentaires
sont de droit.
Titre VI Des traités et accords internationaux
Article 52. -
Le Président de la République négocie et ratifie les traités.
Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion
d'un accord international non soumis à ratification.
Article 53. -
Les traités de paix, les traités de commerce, les traités
ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent
les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature
législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes,
ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne
peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.
Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés
ou approuvés.
Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable
sans le consentement des populations intéressées.
Article 53-1 . -
La République peut conclure avec les États européens qui
sont liés par des engagements identiques aux siens en matière
d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales,
des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen
des demandes d'asile qui leur sont présentées.
Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence
en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours
le droit de donner asile à tout étranger persécuté
en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection
de la France pour un autre motif.
Article 53-2 . -
La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale
internationale dans les conditions prévues par le traité signé
le 18 juillet 1998.
Article 54. -
Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République,
par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée
"ou par soixante députés ou soixante sénateurs"
, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause
contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver
"l'engagement international en cause" ne peut intervenir qu'après
révision de la Constitution.
Article 55. -
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou
approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure
à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité,
de son application par l'autre partie.
Titre VII Le Conseil constitutionnel
Article 56. -
Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans
et n'est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers
tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président
de la République, trois par le président de l'Assemblée
nationale, trois par le président du Sénat.
En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à
vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République.
Le président est nommé par le Président de la République.
Il a voix prépondérante en cas de partage.
Article 57. -
Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles
de ministre ou de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont
fixées par une loi organique.
Article 58. -
Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection
du Président de la République.
Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin.
Article 59. -
Le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité
de l'élection des députés et des sénateurs.
Article 60. -
Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations
de référendum "prévues aux articles 11 et 89"
et en proclame les résultats.
Article 61. -
Les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées
parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au
Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à
la Constitution.
"Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées
au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président
de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée
nationale, le président du Sénat ou soixante députés
ou soixante sénateurs."
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents,
le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois,
à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené
à huit jours.
Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai
de promulgation.
Article 62. -
Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être
promulguée ni mise en application.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun
recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités
administratives et juridictionnelles.
Article 63. -
Une loi organique détermine les règles d'organisation et de fonctionnement
du Conseil constitutionnel, la procédure qui est suivie devant lui et
notamment les délais ouverts pour le saisir de contestations.
Titre VIII De l'autorité judiciaire
Article 64. -
Le Président de la République est garant de l'indépendance
de l'autorité judiciaire.
Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.
Une loi organique porte statut des magistrats.
Les magistrats du siège sont inamovibles.
Article 65. -
Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par
le Président de la République. Le ministre de la justice en est
le vice-président de droit. Il peut suppléer le Président
de la République.
"Le Conseil supérieur de la magistrature comprend deux formations,
l'une compétente à l'égard des magistrats du siège,
l'autre à l'égard des magistrats du parquet.
La formation compétente à l'égard des magistrats du siège
comprend, outre le Président de la République et le garde des
Sceaux, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller
d'État, désigné par le Conseil d'Etat, et trois personnalités
n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire, désignées
respectivement par le Président de la République, le président
de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.
La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet
comprend, outre le Président de la République et le garde des
sceaux, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, le conseiller
d'État et les trois personnalités mentionnées à
l'alinéa précédent.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente
à l'égard des magistrats du siège fait des propositions
pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation
et pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de
président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège
sont nommés sur son avis conforme.
[Elle] statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. [Elle]
est alors présidée par le premier président de la Cour
de cassation.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente
à l'égard des magistrats du parquet donne son avis pour les nominations
concernant les magistrats du parquet, à l'exception des emplois auxquels
il est pourvu en conseil des ministres.
Elle donne son avis sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats
du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général
près la Cour de cassation.
Une loi organique détermine les conditions d'application du présent
article."
Article 66. -
Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure
le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
Titre IX La Haute Cour de justice.
Article 67. -
Il est institué une Haute Cour de justice.
Elle est composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal,
par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque
renouvellement général ou partiel de ces assemblées. Elle
élit son président parmi ses membres.
Une loi organique fixe la composition de la Haute Cour, les règles de
son fonctionnement ainsi que la procédure applicable devant elle.
Article 68. -
Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis
dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être
mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique
au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant
; il est jugé par la Haute Cour de justice.
Titre X De la responsabilité pénale des membres du gouvernement
Article 68-1 . -
Les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis
dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits
au moment où ils ont été commis.
Ils sont jugés par la Cour de justice de la République
La Cour de justice de la République est liée par la définition
des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines
telles qu'elles résultent de la loi.
Article 68-2. -
La Cour de justice de la République comprend quinze juges : douze parlementaires
élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale
et par le Sénat après chaque renouvellement général
ou partiel de ces assemblées et trois magistrats du siège à
la Cour de cassation, dont l'un préside la Cour de justice de la République.
Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un
délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions
peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes.
Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa
transmission au procureur général près la Cour de cassation
aux fins de saisine de la Cour de justice de la République.
Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi
saisir d'office la Cour de justice de la République sur avis conforme
de la commission des requêtes.
Une loi organique détermine les conditions d'application du présent
article.
Article 68-3 . -
Les dispositions du présent titre sont applicables aux faits commis avant
son entrée en vigueur.
Titre XI Le Conseil économique
et social
Article 69. -
Le Conseil économique et social, saisi par le Gouvernement, donne son
avis sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que sur
les propositions de lois qui lui sont soumis.
Un membre du Conseil économique et social peut être désigné
par celui-ci pour exposer devant les assemblées parlementaires l'avis
du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis.
Article 70. -
Le Conseil économique et social peut être également consulté
par le Gouvernement sur tout problème de caractère économique
ou social . Tout plan ou tout projet de loi de programme à caractère
économique ou social lui est soumis pour avis.
Article 71. -
La composition du Conseil économique et social et ses règles de
fonctionnement sont fixées par une loi organique.
Titre XII Des collectivités territoriales
Article 72. -
Les collectivités territoriales de la République sont les communes,
les départements, les régions, les collectivités à
statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par
l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée
par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs
collectivités mentionnées au présent alinéa.
Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions
pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises
en oeuvre à leur échelon.
Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent
librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire
pour l'exercice de leurs compétences.
Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont
en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique
ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales
ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement
l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour
un objet et une durée limités, aux dispositions législatives
ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.
Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une
autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite
le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser
l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités
de leur action commune.
Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant
de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge
des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect
des lois.
Article 72-1. -
La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité
territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription
à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de
cette collectivité d'une question relevant de sa compétence.
Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération
ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale
peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum,
à la décision des électeurs de cette collectivité.
Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale
dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut
être décidé par la loi de consulter les électeurs
inscrits dans les collectivités intéressées. La modification
des limites des collectivités territoriales peut également donner
lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues
par la loi.
Article 72-2. -
Les collectivités territoriales bénéficient de ressources
dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par
la loi.
Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures.
La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites
qu'elle détermine.
Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités
territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités,
une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique
fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités
territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes
à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence
d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée
de ressources déterminées par la loi.
La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés
à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales."
Article 72-3. -
La République reconnaît, au sein du peuple français, les
populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité
et de fraternité.
La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon,
les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont
régis par l'article 73 pour les départements et les régions
d'outre-mer, et pour les collectivités territoriales créées
en application du dernier alinéa de l'article 73, et par l'article 74
pour les autres collectivités.
Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII.
La loi détermine le régime législatif et l'organisation
particulière des Terres australes et antarctiques françaises.
Article 72-4. -
Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées
au deuxième alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des
régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans
que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la
partie de collectivité intéressée ait été
préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa
suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi
organique.
Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement
pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées,
publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs
d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question
relative à son organisation, à ses compétences ou à
son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement
prévu à l'alinéa précédent et est organisée
sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée,
une déclaration qui est suivie d'un débat.
Article 73. -
Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et
règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet
d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières
de ces collectivités.
Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités
dans les matières où s'exercent leurs compétences et si
elles y ont été habilitées par la loi.
Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs
spécificités, les collectivités régies par le présent
article peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes
les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité
de matières pouvant relever du domaine de la loi.
Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques,
les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité
des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure
pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité
et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le
droit électoral. Cette énumération pourra être précisée
et complétée par une loi organique.
La disposition prévue aux deux précédents alinéas
n'est pas applicable au département et à la région de la
Réunion.
Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas
sont décidées, à la demande de la collectivité concernée,
dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles
d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement
garanti.
La création par la loi d'une collectivité se substituant à
un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une
assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités
ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes
prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des
électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités.
Article 74 . -
Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article
ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune
d'elles au sein de la République.
Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après
avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
- les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables
;
- les compétences de cette collectivité ; sous réserve
de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences
de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées
au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et
complétées, le cas échéant, par la loi organique
;
- les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de
la collectivité et le régime électoral de son assemblée
délibérante ;
- les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur
les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret
comportant des dispositions particulières à la collectivité,
ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux
conclus dans les matières relevant de sa compétence.
La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces
collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans
lesquelles :
- le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique
sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante
intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de
la loi ;
- l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée
postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité,
lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités
de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue
dans le domaine de compétence de cette collectivité ;
- des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent
être prises par la collectivité en faveur de sa population, en
matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement
pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine
foncier ;
- la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'Etat,
à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des
garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice
des libertés publiques.
Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités
relevant du présent article sont définies et modifiées
par la loi après consultation de leur assemblée délibérante.
Article 74-1. -
Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74
et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières
qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances,
avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative
en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément
exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis des assemblées
délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles
entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en
l'absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit
mois suivant cette publication.
Article 75. -
Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit
commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel
tant qu'ils n'y ont pas renoncé.
Article 76. - (abrogé)
Titre XIII De la Communauté
(abrogé)
Titre XIII Dispositions transitoires
relatives à la Nouvelle-Calédonie
Article 76. -
Les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à
se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l'accord
signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai
1998 au Journal officiel de la République française.
Sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions
fixées à l'article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988.
Les mesures nécessaires à l'organisation du scrutin sont prises
par décret en Conseil d'État délibéré en
conseil des ministres.
Article 77. -
Après approbation de l'accord lors de la consultation prévue à
l'article 76, la loi organique, prise après avis de l'assemblée
délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine,
pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect
des orientations définies par cet accord et selon les modalités
nécessaires à sa mise en uvre :
- les compétences de l'État qui seront transférées,
de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie,
l'échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que
la répartition des charges résultant de ceux-ci ;
- les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de
la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines
catégories d'actes de l'assemblée délibérante pourront
être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel
;
- les règles relatives à la citoyenneté, au régime
électoral, à l'emploi et au statut civil coutumier ;
- les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées
de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer
sur l'accession à la pleine souveraineté.
Les autres mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord
mentionné à l'article 76 sont définies par la loi.
Titre XIV Des accords d'association
Article 88. -
La République peut conclure des accords avec des Etats qui désirent
s'associer à elle pour développer leurs civilisations.
Titre XV Des Communautés européennes et de l'Union européenne
Article 88-1. -
La République participe aux Communautés européennes et
à l'Union européenne, constituées d'États qui ont
choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées,
d'exercer en commun certaines de leurs compétences.
Article 88-2. -
Sous réserve de réciprocité et selon les modalités
prévues par le Traité sur l'Union européenne signé
le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences
nécessaires à l'établissement de l'union économique
et monétaire européenne .
Sous la même réserve et selon les modalités prévues
par le Traité instituant la Communauté européenne, dans
sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre
1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires
à la détermination des règles relatives à la libre
circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.
La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen
en application des actes pris sur le fondement du traité sur l'Union
européenne.
Article 88-3. -
Sous réserve de réciprocité et selon les modalités
prévues par le Traité sur l'Union européenne signé
le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens
de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions
de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs
sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi
organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées
détermine les conditions d'application du présent article.
Article 88-4. -
Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat,
dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets
ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union
européenne comportant des dispositions de nature législative.
Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d'actes
ainsi que tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.
Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée,
des résolutions peuvent être votées, le cas échéant
en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés
à l'alinéa précédent.
Titre XVI De la Révision
Article 89 . -
L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment
au Président de la République sur proposition du Premier ministre
et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être voté par
les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive
après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au
référendum lorsque le Président de la République
décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès
; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit
la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée
ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité
du territoire.
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision.
Titre XVII Dispositions
Transitoires (abrogé)
Préambule de la Constitution du 27 oct. 1946
1. Au lendemain de la victoire
remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté
d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français
proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race,
de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et
sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés
de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits
de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à
notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après
:
3. La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux
à ceux de l'homme.
4. Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la
liberté a droit d'asile sur les territoires de la République.
5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne
peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison
de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par
l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.
7. Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
8. Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués,
à la détermination collective des conditions de travail ainsi
qu'à la gestion des entreprises.
9. Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères
d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété
de la collectivité.
10. La nation assure à l'individu et à la famille les conditions
nécessaires à leur développement.
11. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère
et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison
de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique,
se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la
collectivité des moyens convenables d'existence.
12. La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous
les Français devant les charges qui résultent des calamités
nationales.
13. La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte
à l'instruction, à la formation professionnelle et à la
culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à
tous les degrés est un devoir de l'État.
14. La République française, fidèle à ses traditions,
se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra
aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces
contre la liberté d'aucun peuple.
15. Sous réserve de réciprocité, la France consent aux
limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation
et à la défense de la paix.
16. La France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur
l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race
ni de religion.
17. L'Union française est composée de nations et de peuples qui
mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer
leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer
leur sécurité.
18. Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire
les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer
eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires
; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire,
elle garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques
et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés
ou confirmés ci-dessus.
Déclaration des Droits de l'homme
et du citoyen du 26 août 1789
Les représentants du peuple français,
constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance,
l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des
malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer,
dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables
et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment
présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans
cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif,
et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant
comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés
; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais
sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de
la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare,
en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits
suivants de l'homme et du citoyen.
Article 1er. -
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions
sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Article 2. -
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels
et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété,
la sûreté, et la résistance à l'oppression.
Article 3. -
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans
la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en
émane expressément.
Article 4. -
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à
autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes
que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance
de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées
que par la Loi.
Article 5. -
La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la
société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut
être empêché, et nul ne peut être contraint à
faire ce qu'elle n'ordonne pas.
Article 6. -
La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les
citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants,
à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux
à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités,
places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction
que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7. -
Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu
que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle
a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font
exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout
citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à
l'instant : il se rend coupable par la résistance.
Article 8. -
La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie
et promulguée antérieurement au délit, et légalement
appliquée.
Article 9. -
Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il
ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable
de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer
de sa personne doit être sévèrement réprimée
par la loi.
Article 10. -
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même
religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi
par la loi.
Article 11. -
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits
les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté
dans les cas déterminés par la Loi.
Article 12. -
La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique
: cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour
l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Article 13. -
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration,
une contribution commune est indispensable : elle doit être également
répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14. -
Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs
représentants, la nécessité de la contribution publique,
de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la
quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15. -
La société a le droit de demander compte à tout agent public
de son administration.
Article 16. -
Toute Société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée,
ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
constitution.
Article 17. -
La propriété étant un droit inviolable et sacré,
nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et
sous la condition d'une juste et préalable indemnité.