La guerre d'Algérie

Chronologie

_ Les origines de la guerre d'Algérie (1830-1936)

La guerre d'Algérie ne commence pas en 1954, mais dés 1830. La conquête du pays dura prés de trente ans et coûta à l'Algérie un tiers de sa population. Cette colonisation entraîne une prise de 40% des terres agricoles. Leur redistribution mis à mal le vieux mode d'élevage communautaire.

La France modernise le pays dans la brutalité. Des mosquées sont transformées en cathédrales tandis que la loi de 1905 reste inappliquée. La domination de la France se caractérise également par le Code de l'indigénat. Par ailleurs, les algériens, jusqu'en 1946, ne bénéficient pas de représentation parlementaire alors que la minorité des français d'Algérie élit six députés et trois sénateurs. Enfin suite à l'imposition du service militaire, sans contrepartie, 300 000 algériens participèrent aux deux guerres mondiales. Les inégalités sont criantes entre les structures de cette région et celles de la France métropolitaine.

Dés la fin de la seconde guerre mondiale l'émir Khaled s'oppose à la politique coloniale de la France. A Paris, des immigrés fondent l'Etoile Nord-Africain dirigée alors par Messali Hadj. Elle déborde sur la revendication d'assimilation et réclame l'indépendance de l'Algérie. Malgré ses influences communistes, cette ligue est interdite par " le front populaire ".

_ Les blocages coloniaux (1936-1945)

Pendant toute la domination française, les avancées en direction des algériens seront systématiquement annihilées par un groupe de pression représentant les grands colons. Il fait de l'angoisse des " petits blancs " un instrument au service de son action. Son triomphe s'explique par sa connivence avec le pouvoir d'Etat à Paris.

Les blocages, comme celui du " plan Violette " visant à donner la nationalité à certains algériens, fonde l'esprit d'indépendance en Algérie. Le Parti du Peuple Algérien (PPA) est fondé par Hadj en 1937. Suite à l'internement de ce-dernier, même les modérés regardent au-delà de " l'assimilation ". Le manifeste de Ferhat Abbas de 1943 revendique une république algérienne. Le 8 mai 1945, éclatent des émeutes en Algérie durement réprimés par les français. Les émeutiers réclament la libération de Messali Hadj et acclament l'indépendance de l'Algérie. Le mouvement radical sera alors marqué par une obsession : réussir ce qui a échoué en mai 1945.

Le Gouvernement français ne répond que laconiquement à ces troubles. Il fait preuve d'un immobilisme et d'un conservatisme qui enveniment la crise.

_ L'insurrection (1945-1956)

La période 1945-1954 est une veillée d'arme. Messali Hadj fait muer son PPA en Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD). Contrairement au PPA, le MTLD est légal. Rapidement une élite politique en domine le comité central. On désigne ses membres sous le nom de " centralistes. " Ils prônent la lutte armée. Malgré les tentatives de Messali Hadj pour permettre un compromis entre sa vision pacifique et celle des centralistes, les deux courants s'affrontent durement et le MTLD explose en 1953. En 1954, la séparation est définitivement consommée.

Les bases d'un Front de Libération Nationale jetée, le prima messalique du politique s'efface pour laisser place à la sacralisation de la lutte armée. Après la constitution d'une Armée de Libération Nationale (ALN), ceux que l'on nommera les " Fils de la Toussaint " passent à l'acte le premier novembre. Cependant ces attentats n'embrasent pas tout le pays. Il faut attendre le soulèvement du Nord-Constentinois le 20 août 1955 pour que l'insurrection devienne nationale. Le FLN se renforce est fédère, autoritairement, la plupart des partis algériens.

Guy Mollet, président du conseil, tente d'arrêter les troubles en nommant Robert Lacoste ministre résidant en Algérie en février 1956. Par ailleurs en Mars, les pouvoirs spéciaux sont votés par le parlement et le gouvernement fait appel au contingent. On ne parle pas encore de guerre mais la société se fracture sur la question algérienne.

Les premiers contacts algéro-français en 1956-1957 n'aboutissent pas. Malgré les prometteuses initiatives du ministre Alain Savary, la situation se tend avec l'arraisonnement le 22 octobre 1956 d'un avion transportant les six des neufs instigateurs de la révolution algérienne. Paris a basculé du côté de l'intransigeance des colons. Aucun compromis politique n'est alors possible.

_ Une guerre horrible (1956-1957)

Les deux camps se livrent alors à de véritables exactions. Les militaires français chassent, torturent, violent ou encore pillent. Le FLN-ALN égorge et mène une politique sanglante de ralliement à sa cause. 1957 représente l'apogée pour l'ALN, très efficace en milieu rural. L'organisation tombera avec la victoire des parachutistes français, commandés par le général Massu, à Alger (28 janvier- 4 février).

Tandis qu'à Paris la quatrième République s'effondre, le FLN mue. Son comité de coordination et d'exécution, composé de civils, est remplacé par un directoire militaire dirigé par trois colonels (Abdelhafid Boussouf, Lakhdar Ben Tobbal et Belkacem Krim). Celui-ci s'exile en Tunisie. A cette époque se mettent en place les services de renseignement et de sécurité qui deviendront la colonne du futur pouvoir d'Etat.

_ Le recours à de Gaulle (1957-1960)

En novembre 1957, le parlement français adopte une loi-cadre pour l'Algérie qui confirme les blocages coloniaux. Le 13 mai 1958 des milliers de manifestants acclament de Galle à alger. Au départ, le général semble se rallier au courant de l'" intégration. " Cependant suite aux manifestations des algériens en décembre 1960, il entreprend alors de s'affranchir de l'Algérie, ce " boulet ", pour que la France " épouse son siècle ". Il vainc alors la semaine des " barricades en septembre " 1960 ; fait céder les officiers putschistes en 1961 ; démantèle l'OAS.

Côté algériens, l'appareil militaire s'impose paradoxalement dans le FLN au moment il perd l'initiative sur le terrain. Politiquement, il bénéficie des épreuves du peuple algérien. Il en devient le représentant. Ainsi, le CCE devient le GPRA. Loin d'être révolutionnaire, il prône des valeurs conservatrices.

_ Les dissensions algériennes (1958-1962)

Les barrages transfrontaliers établis par l'armée française coupe le sommet du FLN de sa base, surtout présente dans les maquis. Cette situation crée des tensions et provoque des luttes fractionnelles au sein du FLN-ALN. Par ailleurs, les français éradiquent l'ALN grâce à des parodies de justice. La base est malmenée. Au sommet, les trois membres du directoire ont peur de voir l'autre prendre le dessus. Cette compétition permet l'émergence d'un homme, Houari Boumédiène. En 1959, le GPRA paralysé se dessaisit de ses pouvoirs au profit d'un conclave dirigé par Boumédiène. Par ailleurs, les armes fournies par les régimes communistes, à cause des barrages frontaliers, profitent à Boumédiène qui met en place une véritable armée, dite " des frontières ".

Dés l'été 1961, deux pôles s'affrontent : d'un côté une légalité civile constitutionnelle incarnée par le GPRA, présidé par Ben Khedda, de l'autre une volonté tenace de prendre le pouvoir à partir de l'armée des frontières. Les premiers pourparlers d'Evian en 1961 sont un échec. Cependant, le 18 mars 1962, les accords d'Evian permettent un cessez-le-feu. Un exécutif provisoire se met en place sur fond d'attentats de l'OAS.

La libération des chefs historiques emprisonnés en 1956 ravive les tensions. L'Algérie sombre alors dans l'anarchie avec la multiplication des pillages et des règlements de compte. Pendant que les pieds-noirs fuient, l'Algérie tente de penser ses plaies.

_ L'indépendance

Le 3 juillet 1962, après un référendum, l'indépendance est proclamée. Le GPRA est accueilli avec enthousiasme en Algérie. Au demeurant, Boumédiène lance " l'armée des frontières " à l'assaut d'Alger. Supérieur en nombre et mieux armée, elle balaye le gouvernement provisoire. Ben Bella, proche de Boumédiène, est au pouvoir. Par son intermédiaire, la guerre avait installé un appareil militaire. Le peuple, résigné après huit années de guerre, assiste à la mutation finale du FLN en un parti unique, subordonné à une bureaucratie militaire qui dirige alors l'Algérie.

Mémoire et actualité

Malgré sa brutalité et son impact sur les algériens et les français dans les années 1960, la guerre d'Algérie est aujourd'hui oubliée. Soit l'oubli est volontaire, en France, soit il est générationnel, en Algérie.

Cette guerre a longtemps pesé à la France. La méthode de décolonisation de ce pays a été critiquée vivement par la communauté internationale. Par ailleurs la brutalité de la répression de l'insurrection et la torture ont marqué en profondeur les français. Ceux-ci ont alors cherché a effacé de leur mémoire cet épisode sombre. La pesanteur de ce passé s'illustre dans le comportement du parti socialiste et des partis issus du gaullisme. Les socialistes actuels sont les héritiers de la SFIO, qui a longtemps porté la mission civilisatrice de la France dans les colonies. Elle avait alors conçu une forme de nationalisme universaliste. Ainsi Guy Mollet a-t-il mené une politique ferme vis-à-vis de l'Algérie. Or cette vision s'est heurtée au nationalisme algérien. Celui-ci a sapé l'universalisme socialiste. Le PS a mis du temps à se remettre de la remise en cause de son dogme.

Les gaullistes, eux, ne revendiquent pas l'héritage gaullien sur la question algérienne, et ce malgré qu'il ait été le principal artisan de la paix. Cette attitude a deux raisons. La première est que l'unité issue de la résistance a éclaté face à la crise algérienne. Ainsi des proches du général de Gaulle, tel Debré, se sont opposés à l'indépendance de l'Algérie. La seconde est que le général de Gaulle s'est heurté à une partie importante de l'armée pour imposer sa solution au problème algérien en 1959. La droite politique s'est alors fracturée profondément.

En Algérie, pourtant lieu de la guerre, la mémoire de celle-ci n'est pas vivace. Le développement du pays et le renouvellement de la population expliquent cette amnésie des algériens.

Depuis son indépendance, l'Algérie s'est fortement développée économiquement. Dés 1971, Houari Boumédiès nationalise les sociétés pétrolières françaises. Celles-ci exploitaient le gisement de Hassi-Messaoud. Aujourd'hui, ils sont exploités par la Sonatrach. En ce lieu ce concentre 60% des réserves prouvées de pétrole en Algérie. La production est donc importante (400 000 barils/jours). Par ailleurs l'Algérie possède des ressources en gaz que sa façade maritime lui permet d'exploiter. Elle représente 20% de l'approvisionnement en gaz de l'Europe. Ces productions ont rapporté 24 milliards de dollars en 2003. Plus préoccupés par leur avenir et leur richesse que par leur passé, les algériens oublie peu à peu l'évènement qui a forgé leur pays.

L'étude du développement des quartiers des villes traduit également cette amnésie de la guerre. La Casbah, haut lieu symbolique de la guerre, est devenue sale. " La saleté y est proportionnelle à la méconnaissance des lieux " écrit Rachid Sidi-Bourmedine. Aucun signe permanent de reconnaissance ni aucune manifestation ponctuelle n'évoquent le souvenir de la guerre. Celui-ci n'existe que dans l'esprit des anciennes générations. Le quartier de Bab El-Oued a connu la même évolution.

Les pieds-noirs sont eux dans une situation intermédiaire. Leur départ de l'Algérie, suite à l'indépendance, a été une véritable déchirure. Au demeurant, pour apaiser leurs tourments, beaucoup se remémorent le passé. Ainsi depuis plusieurs années, on observe de véritables pèlerinages. Les pieds-noirs reviennent sur leur lieu d'habitation pour se libérer du deuil caché.

Les français qui sont restés en Algérie n'ont jamais vraiment réussis à s'intégrer. En effet sous l'administration coloniale, les occidentaux vivaient entre eux dans une sorte de bulle. Eclatée avec l'indépendance, elle les a confronté à la société algérienne. Si la coopération est bonne, hormis le cas des milices islamistes, l'assimilation est loin d'être totale.

Szafarczyk Hubert