L'éclatante victoire de l'Administration publique |
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Il y a quelques années, une compétition d'aviron opposant une administration publique et une entreprise privée eu lieu. Les rameurs de l'entreprise brillèrent dès le départ et arrivèrent avec une heure d'avance sur l'équipe de l'administration. Le lendemain, les plus hautes instances de l'administration se réunirent pour analyser les raisons d'un résultat si déconcertant. Les données étaient les suivantes : 1. L'équipe de l'entreprise était
formée d'un chef d'équipe et de 10 rameurs. Les changements qui s'imposaient furent donc immédiatement soumis au vote et ils recueillirent la totalité des suffrages. Cependant l'année suivante, l'équipe de l'entreprise reprit une fulgurante avance. Cette fois, l'équipe de l'administration arriva avec 2 heures de retard. Les données étaient les suivantes : 1. L'équipe de l'entreprise était formée d'un chef d'équipe et de 10 rameurs. 2. L'équipe de l'administration, suite aux réformes approuvées à l'unanimité des voix, comprenait :
Après plusieurs jours d'épuisantes réunions, la réaction des plus hautes instances de l'administration ne se fit pas attendre davantage ; elle fut unanime et lapidaire : "Ce rameur est un bon à rien !!!". On décida de le punir en le radiant de l'administration, dont la grandeur et la réputation risquait d'être ternie par une telle incompétence. L'année suivante, l'administration se présenta pour la course avec le champion du monde d'aviron comme nouveau rameur. Mais ce fut, une fois de plus, un véritable fiasco pour notre équipe de choc. L'équipe de l'entreprise franchi la ligne d'arrivée après seulement 20 minutes de course, un record. L'équipe de l'administration, elle, n'arriva jamais ! En effet, malgré les efforts du champion du monde d'aviron et malgré l'aide que lui apportaient directeurs et sous-directeurs (un projet de réforme de la profondeur d'immersion des rames, une directive sur le rythme respiratoire, une loi sur la réduction du temps de travail à 35 heures...), malgré tout cela, l'équipe de l'administration s'était fait rapidement distancer. Après seulement cinq minutes de course, le champion du monde d'aviron, à bout de souffle, refusa de continuer et "de se couvrir davantage de ridicule". Il s'en suivi une longue discussion, très
animée, ou directeurs et sous-directeurs essayèrent de
le convaincre de continuer la course. Mais il ne voulait rien savoir
! Après une déconfiture aussi incompréhensible, les plus hautes instances de l'administration se réunirent en grand émoi. Personne ne pourra jamais dire le nombre de commissions, de comités et autres machins qui planchèrent sur les raisons obscures de cet échec pourtant cuisant. Comme les mois passaient et que la course de l'année suivante approchait, on alla même jusqu'à prétendre que cette mésaventure pourrai bien marquer la fin de la prestigieuse administration. C'était compter sans les ressources insoupçonnées (mais pas au dessus de tout soupçon) de cette grande institution. La veille de la course, l'étincelle jailli enfin, et une nouvelle réforme qui allait résoudre définitivement les problèmes fut annoncée avec fracas dans tous les médias. Le lendemain, l'équipe de l'administration franchissait enfin la ligne d'arrivée en tête après sept longues heures de course. L'équipe de l'entreprise, elle, n'avait pas été autorisée à prendre le départ malgré ses protestations. En effet, au vu de la grande fatigue physique du champion du monde d'aviron l'année précédente, il avait paru évident aux plus hautes instances de l'administration que la compétition à la rame, si elle ne respectait pas certaines règles, se faisait au détriment de la santé de certains de ses membres, en exploitant les pauvres rameurs ! Il s'était donc avéré urgent de pondre un nouveau règlement afin de mettre un peu d'ordre dans la jungle inquiétante que devenait la compétition d'aviron. Par décret, il avait été décidé que les équipes devraient désormais être constituées de 13 personnes et non plus de 11; à un staff de direction de 10 personnes désormais obligatoire devrait impérativement s'ajouter, afin de venir en aide à l'unique rameur, une assistante sociale et un médecin du travail ! Christophe VINCENT - à partir d'un texte original "Les rameurs de l'ENA" |
Dernière actualisation : septembre 2001