C) Sociologie électorale

L'élection constitue une pièce essentielle du mécanisme républicain. Au sein de la société moderne, le suffrage universel s'adresse à des couches sociales de plus en plus larges : on peut donc parler de dynamique du suffrage universel. Dans toute démocratie, l'élection au suffrage universel a une double fonction :
_ Au principe de légitimité des autorités politiques (cf. élection par le peuple) : aux Etats-Unis, le tirage au sort a été écarté car il ne garantit pas à l'élite la légitimité du suffrage universel

_ Aux instances de régulation. Le peuple souverain participe directement à la désignation et à la destitution des autorités politiques. Il y a donc " repolitisation " permanente de la société.
La compréhension du vote s'est imposée avec l'une des parties essentielles de la science politique contemporaine. Rappelons que la science politique constitue une discipline ancienne dans les pays anglo-saxons. En France, la science politique ne s'est développée que très tardivement. La sociologie électorale est la noblesse de la science politique. Le rôle du politologue est de commenter les résultats du vote. En France, la sociologie électorale a été développée par A. SIEGFRIED sous la 3ème république (1918 : " Le tableau politique électoral de la France de l'Ouest ") . Les méthodes en sociologie sont transposées par A. SIEGFRIED à l'étude du vote. Le vote aurait-il un rapport avec l'âge ? Avec les CSP ? Avec la religion ? Telles étaient les questions posées dans l'ouvrage. L'objectif est donc d'identifier une ou plusieurs variables qui permettraient de prédire le comportement électoral futur des électeurs. On distingue deux grands modèles interprétatifs :
_ Le modèle de l'électeur captif : le vote serait puissamment déterminé par un ensemble de variables, de détermination (schéma de la sociologie de Durkheim). C'est le modèle dominant jusqu'il y a 30 ans car il correspond aux tendances dominantes de la sociologie. Ce modèle est né aux Etats-Unis. En 1960, le groupe du Michigan publie The american voter : l'objectif est de produire une sociologie de l'électeur américain dans les années 1950-1960. On parle du paradigme, du modèle, du concept de Michigan : le modèle de l'identification partisane dont les traits essentiels sont les suivants :

_ Faible intérêt pour la politique
_ La plupart des électeurs américains ont des opinions superficielles
_ Identification forte à l'un des deux grands partis politiques américains (républicains / démocrates)
_ Ce sentiment d'identification était un sentiment durable (vie entière)
_ De plus, il y avait reproduction de ce sentiment de génération en génération : on peut donc parler de socialisation précoce des préférences partisanes. Il semble donc qu'il existe des relations causales importantes entre certaines variables et le vote. L'électeur serait surdéterminé par son groupe d'appartenance (démocrates è salariés, minorités ethniques ; républicains è cadres supérieurs, milieux économiques, professions agricoles).

En France, on a emprunté ce même schéma : variante française du paradigme de Michigan. Quels sont les principaux travaux ?

_ Le modèle de l'électeur stratège, individualiste, rationnel : l'électeur aurait une certaine autonomie et exprimerait des votes réfléchis (schéma de la sociologie de l'acteur de Boudon et Touraine). Ce type de modèle restaure davantage d'autonomie à l'électeur. L'ensemble des recherches fait état d'un affaiblissement des identifications partisanes. Les chercheurs du Michigan publient un nouvel ouvrage " The changing american voter ". De nouvelles notions sont introduites par rapport à l'ouvrage des années 60. Pourquoi ?
_ Elévation du niveau de cohérence intellectuelle
_ Vote enjeu ( les enjeux deviennent lourds : émancipation civique des minorités noires, guerre du Vietnam, revendications féministes qui constituent des ressorts importants du comportement électoral ).
On observe donc une certaine tendance au désalignement partisan. Pour quelles raisons ?:
_ Erosion de la variable religieuse (toutefois, on observe une segmentation forte de l'identité catholique : il semble difficile de faire des distinctions)
_ Certaines variables sociales ont perdu de leur pertinence. Selon H. MENDRAS, la 2ème révolution industrielle a abouti à l'émergence d'une constellation nouvelle et centrale de classes de salariés. L'électeur médian oscillerait entre droite et gauche
_ Montée en puissance de la volatilité électorale (qui remet en cause la thèse de l'électeur captif)
_ Le poids de certains facteurs historiques : les études de A. SIEGFRIED montrent que la structure des sols pourrait jouer un rôle (ceux vivant sur un sol calcaire voteraient à gauche, ceux vivant sur un sol de granit voteraient à droite)
_ P. BOIS, dans " Les paysans de l'Ouest ", montre le contraire : dans la Sarthe, ceux vivant sur un sol calcaire voteraient à droite, ceux vivant sur un sol de granit voteraient à gauche. [sol granitique è plus difficile à cultiver è habitat dispersé è influence des prêtres è vote à droite ; sol calcaire è plus de cultures è bourgs plus importants è communications è train è vote républicain]. Dans les régions calcaires, les propriétaires réticents à l'égard des excès de la révolution française seraient en faveur de la chouannerie ; à l'est au contraire, l'alliance des bourgeois et des paysans conduirait à jouer la carte de la révolution
Il semble donc que les déterminations géologiques ne constituent pas des variables pertinentes. N. MAYER : les petits boutiquiers sont-ils réactionnaires ? Ce n'est pas toujours le cas : exemple au 19ème siècle, développement du mouvement social, anarchiste mais avec l'arrivée du front populaire et la montée du PC s'est développée la peur du collectivisme : il y a disparition de ce courant. On peut distinguer une autre variable : le mode de scrutin (système multipartisan, scrutin majoritaire à deux tours, …).