Sous section I : La distinction police
administrative / police judiciaire
Paragraphe I : Les critères de distinction
La distinction repose sur un critère
finaliste, c'est le but de la décision ou de l'opération de police
qui conditionne son rattachement à la police administrative ou judiciaire.
La police administrative se définit comme l'activité de prestation
ou d'édiction de normes ayant pour objet le maintien de l'ordre public,
elle a donc une finalité préventive, elle vise à maintenir
l'ordre public en évitant le désordre.
La police judiciaire en revanche vise à découvrir les infractions,
à en rechercher les auteurs et à les livrer aux tribunaux, elle
a donc une finalité répressive, ce critère de distinction
a été consacré à la fois par le C.E. 11/05/1951
Consorts Baud et le TC 7/06/1951 Dame Noualek. Par conséquent lorsque
l'opération de police consiste à rechercher ou arrêter les
auteurs d'une infraction pénale déterminée on est dans
le cadre de la police judiciaire, lorsque l'opération consiste dans l'exécution
de missions de contrôle et de surveillance générale on est
dans le cadre de la police administrative.
Ce critère jurisprudentiel est conforme à la définition des missions de police judiciaire contenu dans le CPP. Le code dispose que " la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale ". Il est revenu à la jurisprudence de préciser les contours de cette distinction : l'activité de police est judiciaire dès lors qu'elle est en rapport avec une infraction déterminée, peu importe que l'infraction soit réelle ou supposée, peu importe qu'elle soit réalisée ou en préparation, la recherche d'une infraction déterminée même éventuelle confère à l'opération un caractère de police judiciaire TC 15/07/1968 Consorts Tayeb.
Cette distinction est très importante
car la même activité de police pourra avoir aussi bien une nature
administrative ou judiciaire selon la finalité (ex : contrôle d'identité
sur la voir publique à titre préventif pour maintenir l'ordre
public c'est de la police administrative article 38-2 du CPP.
A l'inverse lorsque le contrôle a pour but de rechercher les auteurs d'une
infraction déterminée c'est de la police judiciaire. Toutefois
dans l'un et l'autre cas la vérification sera placée sous le contrôle
des Magistrats du Parquet d'où compétence du juge judiciaire.
De la même manière une mission de police peut changer de nature
en cas d'exécution, une mission de police administrative se transforme
en mission de police judiciaire il y a une infraction au cours de l'opération
TC 5/12/1977 Demoiselle Motsch (ex : opération de contrôle de police
sur la voie publique c'est de la police administrative, l'automobiliste ne s'arrête
pas c'est une infraction on passe dans la police judiciaire).
A l'inverse une opération de police judiciaire peut devenir administrative.
Ainsi la mise en fourrière est de la police judiciaire C.E. 12/04/1995
Mme Knudsen. Une fois l'enlèvement réalisé on retombe dans
la police administrative C.E. 13/01/1992 Grasset.
La nature de l'opération de police va déterminer le régime
juridique qui lui est applicable, les conséquences de la distinction
sont donc très importantes.
Paragraphe II : Les conséquences de cette distinction
Ces conséquences sont très
importantes, elles concernent d'abord :
- Les autorités et personne publiques investies des pouvoirs de police
:
· La Police Judiciaire est exercée exclusivement au nom de l'Etat
donc seule des autorités et agents de l'Etat ont ces pouvoirs. Le Maire
détient des pouvoirs d'Officier de Police Judiciaire en tant qu'agent
de l'Etat, il peut constater des infractions, dresser des PV, déférer
· A l'inverse la police administrative peut être exercée
au nom de l'Etat des départements ou des communes. On constatera que
les autorités de la région n'ont pas de pouvoirs de police.
- La répartition des compétences
contentieuses :
· Le contentieux de la police administrative relève de la juridiction
administrative, il en va ainsi pour le contentieux de la légalité
et de la responsabilité et naturellement comme la compétence suit
le fond devant la juridiction administrative on applique le droit public.
· A l'inverse le contentieux de la PJ relève de la juridiction
judiciaire. Ce contentieux intéresse la fonction de la juridiction judiciaire
(le Parquet, le Siège
). Toutefois le juge administratif est toujours
compétent pour réparer le préjudice subi par le personne
de police dans l'exercice de ses fonctions sans qu'on distingue s'il était
dans une mission de PJ ou de PA : C.E. 17/04/1953 Pinguet.
Tout ceci est clair en théorie mais
en pratique lorsqu'il y a un changement de nature de la mission de police pendant
son exécution il y a un problème. Deux solutions sont possibles
:
- Une succession de régimes juridiques en fonction de la nature des missions.
- Une unification de régimes juridiques au profit d'une des deux opérations.
La jurisprudence a opté pour la
deuxième solution dans l'intérêt des justiciables. On se
fonde sur la nature de l'opération à l'origine du préjudice.
Cette solution a été consacrée par la jurisprudence dans
deux grands arrêts :
- C.E. Assemblée 24/06/1949 Consorts Lecomte. Les faits : des agents
de police sont chargés d'arrêter un véhicule suspect, la
voiture force un barrage, les policiers tirent, une balle perdue vient tuer
le Sieur Lecomte. Quel est le régime de responsabilité ? Le C.E.
juge que la juridiction administrative est compétente pour apprécier
la nature de l'opération dès lors que celle-ci présentait
le caractère d'une mission de police administrative.
- T.C. 12/06/1978 Société Le Profil. Les faits : au cours d'un
transport de fonds escorté par la police un hold-up survient. L'escorte
de police n'intervient pas pour éviter un carnage. L'entreprise de transport
de fonds saisit le juge administratif face à l'inaction de la police.
Le Juge administratif est compétent car le préjudice résulte
des conditions d'organisation du transport de fonds mais cette solution d'unification
du régime applicable ne trouve à s'appliquer que lorsqu'il y a
unité entre les missions de PJ et de PA. Dès lors qu'il y a une
césure nette entre les deux opérations résultant notamment
de l'écoulement du temps le contentieux est partagé en se fondant
sur l'opération à l'origine du dommage.