Sous-Section II : La classification des Services Publics

Il existe une distinction fondamentale entre les SPA et les SPIC, ces services sont soumis à deux régimes juridiques différents qui relèvent pour les premiers de la gestion publique et pour les seconds en grande partie d'une gestion privée.

Paragraphe I : Les éléments de la classification

A l'origine les SP avaient tous un caractère administratif, ils correspondaient aux missions régaliennes de la puissance publique (maintien de l'ordre public, défense, justice…) avec le développement de l'interventionnisme une nouvelle catégorie est apparue en matière de services industriels et commerciaux.
Cette nouvelle catégorie a été consacrée par le TC dans son arrêt Bac d'Eloka du 22/01/1951, dans cet arrêt le TC devait juger que le service de bac en cause constituait un service industriel et commercial fonctionnant dans des conditions analogues à celle d'organisation privées similaires, dont les litiges sont de la compétence judiciaire. L'arrêt innove en reconnaissant des services publics à gestion privée pour la première fois.

La jurisprudence devait ensuite reconnaître l'existence d'une nouvelle catégorie de services : les SP sociaux : ces services étaient soumis à la gestion privée, ce sera l'apport de l'arrêt du 22/01/1955 Naliato. Ces services publics sociaux seront constitués par : les centres aérés, de jeunesse, les colonies de vacances, les patronages organisés par les collectivités publiques…
Toutefois cette catégorie de services ne sera pas maintenue par la jurisprudence, elle va d'abord limiter l'application de cette solution en soumettant ce type de service aux règles du droit public et en les incluant dans la catégorie des SPA.

Le C.E. jugera par exemple qu'un patronage ouvert gratuitement à tous les enfants en âge scolaire et placé sous l'autorité du maire est un SPA C.E. 17/04/1964 Commune d'Arcueil. Cette catégorie se trouvant ainsi progressivement vidée de sa substance le juge décidera purement et simplement sa suppression en assimilant les SP sociaux aux SPA TC 4/07/1983 Gambini qui met fin à la jurisprudence Naliato.
La classification des SP ne comprend plus désormais que deux éléments : les SPA et les SPIC, tous les SP sont donc rattachés à l'une ou l'autre des catégories, emportant par la même l'application du droit public ou privé. Cette classification binaire est logique : cette classification doit permettre l'application d'un régime juridique et il n'y en a que deux.

L'important va être de déterminer les critères pour ranger un SP dans l'une ou l'autre des catégories.

Paragraphe II : Les critères de classification

La qualification du SP peut résulter d'un texte : il peut s'agir soit d'une loi soit d'un règlement.
- Lorsque la qualification du service résulte de la loi, elle s'impose aux différentes juridictions, la loi peut décider que tel service à un caractère administratif ou industriel et commercial, elle peut aussi procéder à une qualification indirecte en précisant le régime juridique applicable. Par exemple la loi du 2/07/1990 sur les services des PTT implique le caractère industriel et commercial du service dans la mesure où ses relations avec les usagers, les fournisseurs et les tiers sont régis pas le droit commun. Il se peut ainsi que la qualification du service résulte de la qualification de l'établissement qui le gère.

- En revanche lorsque la qualification résulte d'un décret le juge doit vérifier si elle correspond bien à la véritable nature du service, si tel n'est pas le cas, le juge procédera à la requalification du SP. Ainsi dans un arrêt du 24/06/1968 (Société Distillerie Bretonne et Société d'approvisionnement alimentaire), le TC a jugé que le FORMA qualifié d'EPIC par un décret exerce en réalité une action purement administrative. La jurisprudence a de la même façon requalifié le centre Français du Commerce extérieur d'EPIC (par décret) à EPA : C.E. 4/06/1986 Berger.

Pourquoi cette requalification ? La qualification de l'Etablissement Public et du SP qu'il gère entraîne l'application du régime juridique correspondant. Un service industriel et commercial relève du privé alors qu'un service administratif relève du public.
Seul le législateur peut déroger à l'application normale des règles de compétence. Le pouvoir réglementaire ne peut pas qualifier d'industriel et commercial et soumettre ainsi au droit privé un établissement ou service administratif, normalement soumis à la compétence administrative, car ce faisant le pouvoir réglementaire modifie la répartition des compétences contentieuses et il n'en a pas le pouvoir, c'est pourquoi le juge le requalifie.

Dans cette hypothèse là il faut savoir quels critères vont déterminer la qualification d'un service. Le C.E. dans son arrêt du 16/11/1956 Union Syndicale des Industriels Aéronautiques a dégagé ces critères.

D'après cet arrêt un Service Public est industriel et commercial s'il ressemble à une entreprise privée à 3 points de vue :
- Du point de vue de l'objet du service.
- Du point de vue de l'origine de ses ressources.
- Du point de vue des modalités de fonctionnement.

· L'objet du service : un service est industriel et commercial s'il se livre à des activités similaires à celles des personnes privées ; dans le cas contraire il a un caractère administratif. Il a été jugé par exemple que le service de bac reliant l'île de Ré au continent a un caractère administratif car il assure la continuité territoriale : C.E. 10/05/1974 Denoyez et Chorques. Cet arrêt renverse la jurisprudence Bac d'Eloka. Il a été jugé que le service d'enlèvement des ordures ménagères a un caractère administratif car il a pour objet d'hygiène et la salubrité publique TC 28/5/1972.

· L'origine des ressources : Un service est industriel et commercial lorsque ses ressources proviennent essentiellement de redevances versées par les usagers en contrepartie du service rendu. A l'inverse si ces ressources proviennent de recettes fiscales ou parafiscales ou de subventions publiques, le service a un caractère administratif. Ce qui fait là encore qu'en fonction du mode de financement les services peut avoir un caractère industriel et commercial ou administratif.

On peut prendre l'exemple du service d'enlèvement des ordures ménagères : lorsque ce service est financé par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères il a un caractère administratif : C.E. 13/02/1984 Commune de Pointe à Pitre, à l'inverse lorsqu'il est financé par une redevance variable selon l'importance du service il a un caractère industriel et commercial : TC 7 Octobre 1996, Mme Breton.

· Les modalités de fonctionnement du service : lorsque le services fonctionne suivant les règles en usage dans les entreprises privées (droit et comptabilité, il a un caractère Industriel et Commercial). A l'inverse lorsque le service fonctionne selon les règles de la gestion public il a un caractère administratif TC 15/01/1979 Dame Le Cachey et Guiguere c/ Ville de Toulouse.

En principe le caractère administratif du SP est présumé. Cette présomption n'est écarté que si ces 3 critères sont remplis : C.E. 26/01/1968 Dame Maron. Ces critères étant cumulatifs l'absence d'un d'entre eux suffira à conserver au service un caractère administratif. Il faut que le service fonctionne comme une personne privée sur les 3 points de vue pour être industriel et commercial.
Cette qualification est extrêmement importante car elle conditionne la mise en œuvre d'un régime juridique.