Section III : Le lien de causalité :
C'est l'élément liant de la responsabilité civile, c'est la liaison entre la faute et le dommage. Pour que le dommage donne lieu à réparation il faut qu'il ait été causé par le fait générateur (la faute). La relation de cause à effet est quelque chose de difficile, il peut y avoir des causes uniques ou multiples. Pour un dommage on peut identifier plusieurs causes donc plusieurs auteurs donc plusieurs débiteurs de responsabilité d'où une méthode simple pour identifier le lien de causalité.
Paragraphe I : La détermination du lien de causalité :
Elle s'impose car il est rare qu'un dommage
soit causé par un seul fait. Parmi les causes il faut en trouver une
ou toutes les identifier ce qui a donné deux conceptions doctrinales
qui s'affrontent :
- L'équivalence des conditions : selon cette conception toutes les causes
se valent et sont substituables, lorsque cette thèse est adoptée
il faut appliquer la logique suivante : pour chaque condition qui a pu conduire
au dommage on se demande : Est que sans cette condition le dommage aurait été
subi ?
- Si la réponse est oui alors cet élément est causal du
dommage.
- Si la réponse est non alors cet élément n'est pas causal
du dommage.
Ex : Une personne mise en colère
par une autre traverse la rue sans faire attention, au même moment une
personne qui conduit en téléphonant en même temps arrive,
un accident se produit : qui est responsable ?
Suivant la logique que l'on vient de voir on peut trouver une multitude de causes
pour le dommage et par la même identifier autant d'auteurs. C'est une
technique qui permet d'obtenir beaucoup d'auteurs.
- La thèse de la causalité adéquate : Dans cette logique on va chercher la cause efficiente, suffisante, déterminante on a ainsi le responsable.
Comment choisir entre ces deux théories
? C'est assez compliqué : on observe néanmoins depuis
50 ans une prééminence de la thèse de la causalité
adéquate qui est préférée à l'autre avec
tout de même quelques éléments de résistance de la
1ère théorie.
Voyons 4 exemples :
- En matière d'accidents de la circulation (loi du 5/07/1985) on évoque
la notion d'implication ce qui est assez voisin de la causalité et de
plus on emploie l'expression " Il suffit que
" d'où
un usage de la théorie de l'équivalence des conditions.
- La question des prédispositions
: c'est l'hypothèse d'un dommage qui survient chez quelqu'un et s'avère
grave à cause de prédispositions (coupure pour un hémophile
) la jurisprudence considère alors que cette notion de prédisposition
est évacuée l'auteur du dommage ne peut pas invoquer la prédisposition
de la victime comme il la trouve, l'auteur du dommage ne peut pas invoquer la
prédisposition de la victime pour s'exonérer ou limiter la responsabilité.
Ce refus de la notion de prédisposition renforce la thèse de l'équivalence
des causes.
- Les dommages en cascade : 4/12/2001 Un homme est renversé par une voiture,
il est opéré et transfusé avec du sang contaminé
avec l'hépatite C, il engage la responsabilité de nombreuses personnes
(établissement français du sang
) et obtient réparation
de 100% de son dommage. L'établissement français du sang engage
la responsabilité de l'auteur de l'accident car s'il n'avait pas renversé
la personne elle n'aurait pas été contaminée
. La
jurisprudence admet l'équivalence des conditions, l'auteur a été
condamné. 2ème Ch. Civ. 4/12/2001
- Partie de chasse : un tiers est tué. Qui est responsable ? C'est le groupe mais comme on ne connaît pas la responsabilité des groupes on s'en sort par l'équivalence des causes. Responsabilité " in solidum " (ils sont tous responsables comme s'ils étaient responsables. Si la dette est de 100 et qu'on la qualifie de " in solidum " chacun doit 100.
Paragraphe II : La pluralité de causes :
On va identifier une pluralité de causes par l'identification d'une pluralité de fautes (faits générateurs) on distinguera d'abord les rapports entre les fautifs et la victime. On va avoir un rapport juridique sur le modèle de l'obligation in solidum. En revanche dans les relations entre co-responsables chacun est responsable à raison de sa participation au dommage à part égale.
C'est l'hypothèse où on va observer une pluralité de causes de nature différente. On identifie une faute et un événement de force majeure. La cause étrangère est une cause étrangère à l'auteur du dommage qui permet de s'exonérer totalement ou partiellement. Il peut s'agir aussi de l'opposition de deux fautes : de l'auteur du dommage à la faute de la victime.
Il y a une variante : l'acceptation des risques dans le cadre d'une compétence sportive ou d'une activité dangereuse. L'auteur d'un dommage peut opposer que la victime avait accepté les risques ce qui dédouane.
Remarques sur l'affaire Perruche :
C'est une question qui bouleverse le droit
de la responsabilité et a mobilisé la doctrine.
Faits (Novembre 2000) : Une femme enceinte va dans un laboratoire médicale
pour savoir si elle a la rubéole, si c'est le cas elle veut pratiquer
une IVG. L'analyse est négative donc la mère ne pratique pas l'IVG.
L'enfant né handicapé et les parents au bout d'un moment n'ont
plus les moyens de vivre. Une action est alors engagée et un arrêt
du 1er Mars 1996 fait droit à la demande puis la Cour d'Appel de renvoi
résiste et un second arrêt de Cassation reconnaît que l'enfant
peut obtenir réparation du préjudice résultant de son handicap.
Il y a un dommage : préjudice économique
des parents (oui) et un dommage de l'enfant au minimum moral.
- Il y a faute (l'examen est 100% sûr).
- Y a-t-il lien de causalité ? C'est le problème qui a déchiré
la doctrine.
La faute du médecin n'est pas causale du handicap, il y a cause indirect mais pas causalité adéquate.
En 2001 la Cour de Cassation essaye de faire marche arrière sur le problème de preuve (il faut prouver que les conditions permettant l'IVG étaient réunies).
Pierre SArgosse : Conseiller Rapporteur
à la 1ère Chambre Civile est devenu Président de la Chambre
Sociale, était à la pointe de ce combat.
Par la suite la Loi Kouchner après les menaces de grèves des échographistes
intègre le projet de A. Matei dans la loi mais à la va vite (titre
préliminaire). " Solidarités envers les personnes handicapés
" " nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul
fait de sa naissance ". " La personne née avec un handicap
du fait d'une faute médicale peut obtenir réparation si la faute
est directe et a crée ou aggravée le handicap
"
Le contentieux n'a pas été effacé, il va ressortir si on ne prend pas des mesures concrètes (fond d'indemnisation ).